- -ailler
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Suffixe verbal, péjoratif et fréquentatif (ex. discutailler, écrivailler).⇒-AILLER, suff.Suff. formateur de verbes fréquentatifs et gén. péj., à partir de bases essentiellement verbales (plus rarement subst.).A.— La base est un verbe :criailler, verbe « 1. crier sans cesse, se plaindre fréquemment et d'une façon désagréable. 2. crier (oie, perdrix, faisan, paon, pintade) »criticailler, verbe « fam., critiquer, blâmer sans raison »discutailler, verbe péj., « discuter sans cesse et sur de petites questions » (Lar. encyclop.)disputailler, verbe vx, « disputer longuement et inutilement »dormailler, verbe « dormir mal, dormir d'une façon interrompue » (LITTRÉ)harpailler1,(dér. péj. de harper : mal saisir, prendre le change) verbe terme de chasse, « prendre le change, se séparer en parlant des chiens » (LITTRÉ)harpailler2, (fréquentatif de harper : se saisir violemment l'un l'autre) verbe pronom. réfl. « se quereller avec aigreur » (LITTRÉ)jouailler, verbe fam. et vieilli. « 1. jouer petit jeu. 2. jouer médiocrement et sans passion (d'un instrument, à un jeu) »rimailler, verbe vieilli, « faire de mauvais vers »rodailler, verbe « fam., rôder, traînailler »tirailler, verbe « 1. a) tirer à plusieurs reprises, en diverses directions. b) fig., agir d'une manière fréquente et importune sur..., en sollicitant contradictoirement; pronom., s'entendre mal. 2. tirer souvent, irrégulièrement, en divers sens; spéc., faire un tir irrégulier, à volonté »tournailler, verbe « fam. 1. verbe intrans., faire des tours à droite et à gauche. 2. rare, verbe trans., faire tourner à plusieurs reprises » (DG)toussailler, verbe « tousser un peu et souvent »traînailler, verbe « var. de traînasser »traitailler, verbe « faire sans cesse de nouveaux traités, de petites conventions mal observées; tripoter dans les négociations » (LITTRÉ)De même : intrigailler, philosophailler (dér. de philosopher), réglementailler, semailler (dér. de semer et non de semaille) (DARM. 1877); dessinailler, répétailler, tripotailler (NYROP t. 3 1936, § 435); plaidailler, préchailler (GOUG. Lang. pop. 1929, p. 142); politiquailler (dér. de politiquer) (NYROP t. 3 1936, § 435).B.— Rare. La base est un subst. ou un rad. quelconque :brétailler, verbe (de brette, épée) « tirer l'épée à tout propos; hanter les salles d'armes et s'y escrimer sans cesse » (LITTRÉ)fouailler, verbe [dér. de l'a. fr. fou, issu du lat. fagus, hêtre (DAUZAT 1964)] « frapper de coups de fouet répétés »gouailler, verbe [même racine que engouer, d'apr. un sens fig. de gorge (ibid.)] « railler sans délicatesse, dire des railleries »; « se moquer grossièrement » (DG)Rem. Certains verbes en -ailler sont formés à partir de dér. en -aille et ne sont donc pas traités ici; on peut citer, p. ex. : cisailler, embroussailler, encanailler, grenailler, mitrailler, ravitailler, ripailler, sonnailler, tenailler, etc.Morphol. — Modifications graph. de la consonne finale : critiquer — criticailler; intriguer — intrigaillerPrononc. — Cf. -aille.Étymol. ET HIST.A.— Étymol. — Issu du lat. -aculare ou créé secondairement sur le suff. nom. -aille. Le grand nombre des dér. en -aille et de leurs correspondants verbaux (bataille/batailler; cisaille/cisailler) a permis la création de dér. en -ailler à partir d'un verbe (crier/criailler) ou à partir d'un subst. (fouetouailler).B.— Vitalité et productivité1. Vitalitéa) Dans tous les cas, l'analyse des dér. se fait aisément que la base soit un verbe ou un subst. : discuter/discutailler, dormir/ dormailler, tousser/toussailler...; fouetouailler...ou qu'elle soit sentie grâce à la commutation possible du suff. avec une autre finale : piauler/piaillerb) Finales homophones :chamailler « frapper, batailler, se battre »; auj. sens plus faible; renforcement probable de l'a. fr. mailler, de mail, avec un préf. cha-, var. de ca- (ibid.)débrailler (de dé- et a. fr. braiel, brail; de braie) « fam., se découvrir la poitrine d'une manière indécente en ouvrant ses vêtements »dérailler, composé du préf. dé- et de railégailler « disperser, s'étendre; répartir »; mot de l'Ouest, vulgarisé par les Chouans de Balzac, sens venu du Midi; du lat. pop.
, de æqualis « égal », peut-être croisé avec aiguail « rosée » (ibid.)
érailler (XIIe) « rouler les yeux »; (1560) « retourner le blanc de l'œil »; (XVIIe) « détériorer en écartant »; de l'a. fr. roeillier « rouler des yeux », issu du lat. pop., de rota « roue » (ibid.)
grailler2, « sonner du cor », de l'a. fr. graile « trompette » (avec l mouillé par influence de graille); même mot que grêle, adj., c.-à-d. « clairon au son grêle »; peut-être repris au prov. graile, qui avait les 2 sens de « grêle » et de « trompette » (ibid.)railler, de l'a. fr. ralhar « bavarder, plaisanter », du lat. pop. ragulare « bramer », b. lat. ragere, d'où est issu l'a. fr. raire (ibid.)2. Productivité. — Sert encore à former des dér. exprimant la répét. rapide d'une action, toujours avec une nuance péj. :1792 tournailler (DAUZAT 1964)1877 toussailler (DAUZAT 1964)1949 discutailler (ibid.)À cette liste, il convient d'ajouter les mots nouv. cités par DARM. 1877 (cf. supra A).C.— Styl. — Nombre de verbes (cf. notamment supra A intrigailler) sont des créations d'auteur n'appartenant guère, en tant que tels, à la lang.; mais le procédé restant vivant, ils peuvent toujours renaître dans l'instant du discours.BBG. — DARM. 1877, p. 120. — DUB. Dér. 1962, p. 19. — GOUG. Lang. pop. 1929, p. 142. — LEW. 1960, p. 338.❖♦ Suffixe fréquentatif et péjoratif qui a servi à former de nombreux verbes de la langue familière ou populaire, à partir de bases verbales. Ex. : criailler, disputailler, toussailler.REM. Ce suffixe est très productif.1 (…) il a plu à Basin pendant un an de me trompailler avec elle.Proust, le Côté de Guermantes, Pl., t. II, p. 493.2 Tu les imagines venant parloter et complotailler avec une ou deux douzaines de pékins (…)J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. XXIV, p. 229.3 Le tréponème, à l'heure qu'il était, leur limaillait déjà les artères (…)Céline, Voyage au bout de la nuit, p. 109.
Encyclopédie Universelle. 2012.